Dead Web: la mort d’Internet

Dead Web : l’après-Internet selon les artistes
La fin de l’Internet. Du jour au lendemain, plus de courriels, de Facebook, de Tinder ou de sites web tout court …Victime d’une « crise de capacité », Internet s’est violemment effondré lors d’une nuit paisible de 2023, mettant un terme à 25 ans d’information illimitée et emportant avec lui tout un pan de notre histoire. Cette mort, dont on peine à saisir l’impact bouleversant, est certes très farfelue, ce qui ne l’empêche pas d’avoir été fait l’objet d’un symposium scientifique organisé en 2015 par la Royal Society britannique.Inspirée par ce scénario catastrophe, la commissaire Nathalie Bachand a invité des artistes à imaginer l’après-Internet, puis à réaliser des œuvres provenant de ces réflexions et à présenter le fruit de leur travail lors d’une exposition à Eastern Bloc. The Dead Web — la Fin rassemblait ainsi les œuvres de cinq artistes qui ont eu l’amabilité d’expliquer leur démarche lors de la soirée de vernissage à la galerie de la rue Clark, le 19 janvier.
Memento Vastum — Julien Boily
L’artiste a adopté un format des plus classiques en réalisant une peinture à l’huile. Son sujet : un crâne humain vide orienté vers un écran d’ordinateur, symbole de notre obnubilation morbide moderne. Pour réaliser cette nature morte, Boily s’est inspiré des peintres hollandais du XVIIe siècle qui utilisaient des chandelles afin d’illuminer les sujets qu’ils peinturaient. Le cierge éteint placé sur la table de travail dans Memento Vastum évoque clairement cette pratique. Une tension se créée entre la tradition picturale qui a inspiré l’artiste et la modernité du sujet qu’il a choisi. Après tout, la luminescence de la flamme paraît obsolète comparée à celle de l’écran LED. Boily nous invite ainsi à considérer la perte que représente le progrès technologique.
L’Objet de l’Internet — Projet EVA (Simon Laroche et Étienne Grenier)
Les références abondent dans cette installation de Laroche et Grenier : films expérimentaux, luminothérapie, univers disjoncté de William Burroughs… Pas surprenant que cette espèce de carrousel offre une expérience psychédélique à celui qui ose placer sa tête au milieu de ses vitres déformantes. Par le mouvement rapide de cette dream machine revisitée, l’œuvre créée un écho à la relation narcissique circulaire créée par Internet. Elle reflète ainsi l’expérience vécue par l’internaute : une virtualisation de sa tête par la machine et une résonance sans fin de son visage dans le vide sidéral de la Toile.
Infinitisime.com Forever a Prototype – Frédérique Laliberté
Laliberté a opté pour une formule originale : l’installation web. Pour l’artiste, le Web est un espace à la fois public et personnel, un contenant dans lequel on peut publier notre vie. Sur le site Infinitisime.com, créé par l’artiste, il est possible, durant l’exposition, de voir un collage de fichiers, d’images et de sons pigés à même les fichiers personnels de l’artiste. Sur un poste d’ordinateur de galerie, une composition audiovisuelle différente est affichée pour chaque nouvelle visite. Au côté du poste d’ordinateur, on trouve des étagères remplies de disques durs faits avec du papier mâché et du carton, symbolisant en quelque sorte la fragilité d’Internet.
BPM 37093 — Julie Tremble
Cette vidéo animée tisse un lien plus symbolique avec l’exposition. L’intérêt de Tremble pour les catastrophes naturelles résonne avec le thème de la catastrophe informatique que représenterait la mort de l’Internet. Tremble a pris pour objet d’inspiration une catastrophe astronomique, la mort d’une étoile nommée BPM 37093. Celle-ci, en s’éteignant, se serait transformée en diamant, une métamorphose que connaîtra notre soleil dans plusieurs milliards d’années. La forme 3D qui se transforme à l’écran est une façon imagée de représenter un changement se produisant sur des millions d’années.
Mémoires éteintes III — Grégory Chatonsky & Dominique Sirois
Pour terminer cette visite commentée, Dominique Sirois nous a expliqué les différentes composantes de son installation, sans doute la plus imposante de l’exposition. Cette œuvre post-apocalyptique met en scène des projections d’images de synthèse et de vidéos YouTube éclectiques : destruction d’un iPhone, déboires d’un Russe en état d’ébriété, des chats… autant d’éléments qui représentent la vacuité de la culture de l’Internet. Ce qui retient surtout notre attention, c’est le cimetière de serveurs, symbolisé par des blocs de bois placés sur le gravier recouvrant par endroit le plancher de la galerie. Ces poches de gravier évoquent les carrés de fouilles de site archéologique, comme si des vestiges de l’époque d’Internet étaient sur le point d’être déterrés.
Page web de l’exposition The Dead Web – La Fin
The Dead Web – La Fin
Centre de production & d’exposition Eastern Bloc (7240 Clark)
Du 19 janvier au 15 février 2017
Heures d’ouverture de la galerie : mardi – dimanche, 12h – 17h
Crédits photos : Geoffroy de Kerorguen